Elle travaille avec les électriciens: interview de Malika Dedieu, 90° architecture
J’ai plusieurs fois parlé des différents artisans qui s’entrecroisent sur les chantiers. J’ai notamment abordé les relations entre l’électricien et les autres corps de métier et j’ai insisté sur le plaquiste qui apparaît comme un des acteurs sur le chantier le plus proche de l’électricien.
Mais je n’ai pas parlé d’une autre profession avec qui l’électricien échange beaucoup sur ses chantiers d’électricité, l’architecte.
J’ai donc décidé d’interviewer Malika Dedieu de 90° Architecture à ce propos. Qui de mieux que quelqu’un du métier pour en parler?
Bonjour Malika et merci de votre présence sur le blog, Est ce que vous pouvez vous présenter aux lecteurs?
Je suis diplômée de l’Ecole Nationale d’Architecture de Toulouse que l’on condense habituellement à ENSA Toulouse.
J’ai auparavant effectué un cursus en Arts, et je suis passionnée par la géopolitique et l’histoire des civilisations, notamment en relation avec les modes d’habitat et l’évolution de « l’habiter ».
Actuellement je réfléchis à la mise en place « d’assistanat » pour l’autoconstruction, notamment dans le domaine de l’autoconstruction à moindre coût avec les matériaux « sur place ». Je ne sais pas encore sous quel mode, mais il s’agirait d’aider tous les gens se lançant dans le périple de l’autoconstruction à faire les bons choix, à les conseiller en amont.
Vous êtes donc architecte, pouvez vous nous en dire plus sur votre métier et sur les projets que vous réalisez?
Il ne faut pas dire que je suis « architecte » où l’Ordre des Architectes va nous taper sur les doigts! En effet, pour des raisons que nous ne débattrons pas ici car elles abordent un autre sujet, j’ai délibérément choisi de ne pas être inscrite au registre des Architectes, ce qui me vaut l’interdiction de m’appeler « Architecte ».
Cependant, et en toute amitié avec mes confrères, je ne marche pas sur les mêmes « plates-bandes » et n’interfère pas avec leur travail. Je m’intéresse presque uniquement à ce que j’appelle « la petite architecture » si on s’en réfère à la taille, mais qui est en fait la grande architecture en terme de quantité. C’est l’architecture du quotidien, de la salle de bain de mamie Jeannette, à la véranda de monsieur Dupont, en passant par l’extension de monsieur et madame X qui agrandissent leur maison en même temps que leur famille. Certains de mes collègues disent encore que ce n’est pas de l’architecture, pour moi ça en est. François Ascher dit dans Les nouveaux compromis urbains : Lexique de la vie plurielle :
« Si on peut toujours choisir de voir tel film, d’écouter telle musique, d’acheter tel tableau,
on ne peut pas choisir les rues et les équipements publics que l’on fréquente.
La beauté des villes doit donc être débattue, car elle est bien une question de gouvernance. »
Réalisez vos plans de maison comme un professionnel
Et c’est tout aussi vrai pour les centaines de maisons et habitats individuels qui façonnent le paysage de nos villes et villages. Longtemps laissé aux promoteurs où à l’autoconstruction, l’habitat individuel ne faisait appel aux architectes que lorsque le budget était là et/où que le client souhaitait sortir de l’ordinaire. C’est encore le cas aujourd’hui. C’est certes un problème d’honoraires peut être, mais j’ai remarqué que c’est aussi souvent une question d’à priori quelque peu justifié : on ne fait pas appel à un architecte pour une maison « ordinaire ». Encore faut-il savoir ce qu’est le métier d’architecte. Là encore j’ai été surprise de voir comment la population ne connait pas notre métier, ne sait pas à quoi l’on sert, et ce n’est pas leur faute, mais la notre ! A trop les délaisser, les gens nous ont délaissé.
Voilà donc le gros des projets que je réalise, en neuf, en réhabilitation, en extension.
Quels sont vos rapports avec les métiers de l’électricité et comment abordez vous les chantiers avec les électriciens?
Je ne vais pas parler de l’électricité uniquement, mais du rapport avec tous les corps de métier nécessaire à la construction. La discussion est primordiale !
Si l’architecte a une vision globale du chantier et du parti-pris architectural qu’il a choisi, l’échange avec les intervenants technique est primordial pour la réalisation d’un chantier réussi, et ce dès la phase de conception. Pour ma part, je préfère travailler avec un petit cercle d’entreprises en qui j’ai confiance, que je peux appeler pour toute question technique.C’est, à mon avis, la clé de la réussite. Après, il arrive que les clients veuillent tel ou tel artisan de leur connaissance sur le chantier et, si l’entreprise me semble de confiance, il n’y a généralement pas de soucis. Donc, pour répondre à votre question, les rapports se basent sur une relation de confiance. L’architecte doit pouvoir compter sur les conseils technique de l’artisan, et l’artisan doit pouvoir compter sur la présence de l’architecte tant au niveau du dessin (plans) qu’au niveau de la gestion du chantier, de la coordination et de la relation avec le client.
Le cas de l’électricien est intéressant parce qu’il est en général très tôt sur le chantier, dès l’après gros oeuvre, et jusqu’à la fin. En fait, c’est le corps de métier avec qui l’architecte à le plus intérêt à s’entendre (et vice versa) car la collaboration est longue. Quand un carreleur intervient pour la pose de ses carreaux, il fait sa mission dans la période impartie puis tu le revois plus (sauf si il a mal fait son travail et que tu le fais revenir). Mais un électricien est là pour la mise en place de son tableau en début de chantier, puis pour le tirage des câbles, puis pour le raccordement, la pose des équipements primaires et appareillages électriques (prises, interrupteurs…) puis secondaires. Et il reste finalement jusqu’à la fin car, si il est peu fréquent d’oublier d’implanter une baignoire ou un escalier, il arrive fréquemment qu’il faille rajouter un éclairage ou déplacer une prise. Et pendant cette longue période on voit défiler tous les corps d’état mais l’électricien est toujours là.
Le blog « Réalisez votre installation électrique vous même » est orienté sur le Do It Yourself: Selon vous, quels sont les points importants à connaître avant de se lancer dans des travaux d’envergure comme l’électricité ou la rénovation d’une maison par exemple?
C’est justement parce qu’il est orienté sur le DIY que j’ai eu connaissance de votre blog et que je le trouve intéressant.
Il y a énormément de gens qui se lancent dans l’autoconstruction. Autoconstruction ne veut pas dire qu’il n’ont pas besoin de nous ! Au contraire, la plupart du temps, ces gens là sont avides de connaissance, passent de longues heures à se renseigner sur les méthodes les plus appropriées, les plus pertinentes , afin que leur projet (souvent de toute une vie) soit tel qu’ils l’avaient imaginé. Alors ils auront fait le choix de l’autoconstruction pour telle ou telle raison, majoritairement celle du coût. Mais au final, quand bien même cela nous fait du travail en moins, il en ressort des gens plus réceptifs aux enjeux constructifs, énergétiques, esthétiques, architecturaux en somme ! C’est donc tout au bénéfice de notre paysage architectural que, tel le blog « Réalisez votre installation électrique vous même« , nous soyons là à conseiller ces gens afin qu’ils opèrent les meilleurs choix possibles pour eux et pour notre environnement (dans le sens global du terme autant énergétique, qu’esthétique, durable etc.).
Et sans le vouloir réellement j’ai presque répondu à la question du coup!
Pour moi il est primordial sinon obligatoire que toute personne souhaitant se lancer dans des travaux d’envergure se documente et pose des questions. Il y a assez de forum et blog aujourd’hui pour ça. Il ne s’agit pas d’avoir la réponse absolue et unique, il en existe généralement pas ! Chaque cas est unique, chaque mode de vie est propre à une famille, il n’y a généralement pas une réponse mais des réponses (ce qui, au final, est plutôt chouet). Mais le plus important ici, en autoconstruction, est justement de croiser les retours d’expériences, les connaissances acquises lors des expériences personnelles et de se poser les bonnes questions. Aujourd’hui on veut vendre à tout va tout un tas de trucs électroniques qui sont censés refroidir au bon moment, réchauffer au bon moment, éteindre, allumer, te dire quand tu dois aller te laver (ha non?) mais on oublie trop souvent que « le bien habiter » est avant tout une question de « bien construire ». D’où vient le soleil? les vents dominants? la pluie? un arbre me cache t-il du soleil d’été? est-il bien raisonnable de construire cette grande baie vitrée plein nord? dois-je la mettre plein sud? mais ai-je pensé aux brises soleil? etc. etc.
En rénovation ,les questions sont souvent plus difficiles et en même temps plus faciles. Plus difficiles car la construction est déjà là avec ses problèmes déjà présents, mais plus faciles aussi car les choix sont moindres, impossible d’augmenter la pièce de 1m, le mur il est là, il fait 50cm, il est en pierre et il restera là! (à moins de s’engager dans des travaux, à ce compte là, très lourds).
Malika Dedieu
http://www.90degresarchitecture.fr/
Merci Malika d’avoir répondu à mes questions